math, bench and sun
Ce n'est pas le blog que je lis le plus régulièrement, mais c'est peut-être bien celui que je linke le plus (oh eh m'embêtez pas, j'ai pas envie de faire attention à mon vocabulaire, si j'ai envie de mettre des mots en anglais francisé quand je blogge, je peux). Comme le dit la belle Marie, comme c'est moi qui l'écris je peux même le mettre en majuscules.
Chez le privilégié, donc, je trouve des choses ma foi fort intéressantes. Dernière belle surprise, un article sur la violence scolaire, dont un dernier paragraphe dit exactement ce que je pense, mais en mieux.
Vendredi, j'ai fait cours dehors ! Sur les bancs dans la cour au soleil.
Je sortais de la cantine la tête pleine de conversations débiles entre profs. Tout à coup, j'ai réalisé qu'il faisait un temps magnifique, après une matinée entière dans ma tanière au sous-sol à essayer d'expliquer pour la quarante-douzième fois à mes gentils Terminale ES que s'ils tracent la courbe à la calculatrice, ils ont toutes les réponses avant même de commencer l'exercice : les limites, le sens de variation, les racines de la fonction et tout.
Je n'avais donc pas du tout envie de retrouver ma tanière, mes feutres de tableau blanc et leur odeur chimique, les tables en b*rdel et les trois verrous interminables de cette salle informatique sous haute protection. Je me disais qu'on pourrait bien faire des exercices au soleil tranquillement, avec 15 élèves dans ce groupe c'est jouable. Mais je me suis auto-traitée de folle et j'ai oublié mon idée incongrue dès le premier tour de clé du premier verrou.
A peine entrés en classe, mes élèves (qui ont appris sans aucun mal à me déchiffrer) m'ont demandé de faire cours dehors... comme ils ont dû le faire toute la semaine avec tous leurs profs sans aucun espoir mais juste pour rire. Quand j'ai dit oui (mais après une petite mise au point au tableau sur l'effet d'une similitude sur une configuration du plan), ils ont cru à un poisson du 16 avril. Sans parler des retardataires qui n'ont rien compris quand j'ai dit "on y va", que tout le monde a pris ses affaires, alors qu'il restait une heure et quinze minutes de cours.
J'ai donc passé cette heure quinze de cours à courir d'un banc à l'autre, à expliquer, aider, indiquer, encourager. La routine, mais sous le soleil. Donc pas tant la routine que ça. Et des élèves souriants et éternellement reconnaissants. Et d'autres élèves qui traînaient à l'autre bout de la cour éternellement jaloux qui sauteront au plafond de joie si je suis leur prof l'année prochaine (ils déchanteront dès la première interro de cours, mais chut ne leur dites pas). Et des collègues, qui m'ont aperçue de la fenêtre de leur salle, éternellement dubitatifs sur cette petite jeune qui fait jamais grève, qui ne manifeste pas avec les profs, mais qui défile de Nation à Bastille le 8 mars, cette petite jeune mais pas débutante qui regrette le 9-3, cette petite jeune qui fait tout pour ne jamais perdre une heure mais qui fait cours au soleil.
Ce ne sont pour moi pas des façons de dire "femme, tu es la tentation."